Dimanche 4 juin
ROUTE De bellac à egletons 1 (texte)
Déjà avant Bellac, le paysage changeait avec des collines qui ondulaient . Aujourd’hui, début de parcours sur une grande route et encore des lignes droites. Je m’ennuie sur les lignes droites, toujours assez insipides. Mais actuellement, elles présentent un avantage considérable pour ma cheville. Comme il ne se passe pas grand-chose sur ces routes monotones, j’en profite pour mettre mon pied gauche sur le tableau de bord (à gauche du volant, évidemment). Ma cheville est en hauteur et deuxième effet positif, la sortie d’air frais, en écartant un peu ma jambe de pantalon, refroidit la cheville.
Arrêt dans un bourg. Ce n’est pas de ma faute si l’angélus a sonné juste au moment où je passais, me signalant l’heure du repas mais surtout celui de l’apéro. Car coup de pot, un petit bar brasserie sur la place de l’église est ouvert, avec des tables à l’extérieur qui me tendaient les bras à l’ombre d’un katalpa. Le coup de rosé 8cl à 1,40 €. Bon, il pique mais il va bien aller avec mon sandwich en triangle pur grandes surfaces.
Autour de moi, 2 tables occupées, 4 personnes en face, 5 à côté de moi, moyenne d’âge 50/65 ans, fourchette très approximative car je ne sais pas donner un âge aux gens. Maintenant, je suis un peu aidée car je regarde la quantité et la couleur des cheveux. Cela fonctionne assez bien avec les hommes mais c’est plus compliqué avec les femmes. Mais les cheveux des hommes donnent une indication pour leurs femmes. Chez elles, on peut compter les rides, éléments plus fiables que la couleur de cheveux.
Sur la place, un peu plus bas, un petit fleuriste dont l’écriteau rappelle que c’est la fête des mères aujourd’hui. À la table des 5, il y a une jeune fille : sa mère fait-elle partie des deux femmes plus âgées ?
Pas d’enfants en terrasse. Les hommes se sont levés pour rechercher un coup à boire, les femmes en profitent pour parler femme, maladie. Je n’entends pas ce qui se dit à la table des 4, trop loin.
A l’intérieur, lorsque je suis allée chercher mon verre, d’autres personnes étaient attablés autour d’une grande table. Vers 12h20, deux voitures s’arrêtent à quelques minutes d’intervalle. Les conducteurs aident des vielles dames, grosses et courbées, à marcher jusqu’à la brasserie. Peut-être est-ce la grande sortie pour ces personnes âgées en ce jour de fête familiale.
Un couple ressort du bar, environ 40 ans. 40 ans chaque, pas à deux.
Les 5 sont à la bière, c’est raisonnable, mais l’alcool aidant, la discussion est plus animée. La table de 4, elle, se vide. Un premier couple part en premier, puis quelques instants plus tard, le second.
Avant de poursuivre ma route. Je vais reporter mon verre vide à l’intérieur : la salle du bar est désertée, les gens doivent tous être en train de manger dans la salle à manger plus loin, je ne la vois pas.
Au menu affiché, croque-monsieur, hot-dog, frites, rien d’extraordinaire mais sûrement quelque chose qui change de la routine, sans repas à cuisiner à la maison. Mais peut-être y avait-il un menu spécial aujourd’hui.
Me voilà désormais sur des petites routes, j’avance vers le relief du massif central, relief plus prononcé et ciel qui se couvre franchement.
Je m’arrête dans un village qui s’appelle Saint-Dizier-Leyrenne. Ma mère habitait enfant dans un village à quelque distance du Saint-Dizier en Haute-Marne. Je vais au cimetière, je cherche une tombe d’une dame qui aurait le même prénom que la mère. Dans ce cimetière, beaucoup de caveaux familiaux énormes, de 3 mètres de large, sans les prénoms, juste le nom de famille. Pas trouvé le prénom de ma mère. Pas grave, je vais au jardin des souvenirs où je peux convoquer tous les disparus de ma famille : c’est qu’ils sont déjà nombreux à avoir trépassé. On papote un peu. Je les quitte car l’orage gronde et se rapproche. En redescendant, dans le cimetière, une odeur de buis. Quelques gouttes tombent déjà avec ce parfum très particulier d’une terre chaude qui n’a pas reçu d’eau depuis longtemps. Chaque goutte pesante soulève la poussière avant que les gouttes soient assez nombreuses pour que cette poussière de terre soit plaquée au sol, anéantie par le poids de l’eau, se transformant en flaque. Et le bitume, chaud de soleil, fume et exhale ce mélange d’odeurs de goudron et de poussière mêlés.
Voilà nous sommes dans la Creuse, porte d’entrée de l’Auvergne. La fin de cette étape se fera avec beaucoup de virages, de la pluie, une montée en altitude et la grêle de l’orage entendu au loin, sur la chaussée et pas encore fondue. 12 degrés à Egletons, en Corrèze, pierres déjà grises, le tout un peu tristounet.
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