Arequipa la dorée (fotos)

Arequipa la dorée, (fotos)

Dans la palette des couleurs, je demande l’or.

Un seul geste pour en trouver ici : pousser la porte d’une église !

On se souvient que les Incas utilisaient l’or en offrande pour vénérer leur dieu Soleil. Pour eux, ce métal n’avait aucune valeur marchande. D’ailleurs, ils n’avaient pas d’argent ou de monnaie, le système de la mita et un peu de troc suffisaient à l’économie interne (les Incas n’étaient pas des marchands, et pourquoi auraient-ils engagé des négociations commerciales avec le voisin alors qu’il était plus simple de le coloniser, dommage collatéral de la pensée unique évidemment). L’or ornait donc les temples dédiés aux plus grandes divinités. Et on retrouve cet usage, non pas idolâtre mais décoratif, dans les églises catholiques d’Amérique latine.

Je crois qu’il faut que je te parle du syncrétisme si tu as deux minutes (sinon, va voir directement les photos, bien sûr).

Le syncrétisme… mais non voyons, cela ne vient pas de Saint Crétin et pour la bonne raison c’est que ce loustic n’a jamais été canonisé ; et il vaut mieux, certains auraient pu prénommer leur enfant ainsi.

Je prends le dictionnaire pour être précise : «Anthropologie : Fusion de plusieurs systèmes religieux, de pratiques religieuses appartenant à plusieurs cultures». En fait, les conquitadors, pour évangéliser les indigènes, se servaient de leurs pratiques religieuses et se calquaient dessus pour faire avaler la pilule. Et réciproquement, les colonisés « glissaient » dans les représentations religieuses des éléments de leur ancienne religion ou de leur culture. Ainsi, dans une version de la  Cène représentée par l’école de Cuzco (école de peinture péruvienne 17/18èmes siècles, les colons ayant appris aux indigènes l’art de la peinture à l’huile) on trouve des cuys au menu, tiens donc ! et des fleurs exotiques, ah oui, en Palestine ! Parfois, le Christ est peint avec une belle peau cuivrée d’andin et ici ou là, des petits détails révèlent la culture andine. Ailleurs, on trouve aussi des vierges noires ou au teint brun comme la « Morenita » à Mexico.
Dans la «chapelle sixtine» visitée en quittant Cuzco, le cœur de l’église était richement décoré et surmonté d’un grand Christ. Mais le guide nous fit lever les yeux encore plus haut pour découvrir… un grand soleil !  Ainsi, les Incas pouvaient venir prier dans l’église catholique en récitant tout haut les prières que les colons leur avaient apprises et continuer de vénérer le soleil tout bas en douce,  dans leur cœur. La vierge Marie quant à elle pouvait facilement s’assimiler à Pachamama, la mère nourricière, la Terre et a été adoptée aussi.

En fait le syncrétisme c’est quand deux religions, deux cultures se rencontrent, s’imbriquent entre elles sans que l’une n’arrive à éradiquer, à détruire totalement l’autre. C’est aussi  le cas des cultures africaines importées par les esclaves qui survivent encore de nos jours sous forme du Vaudou en Haïti ou la Santería à Cuba.

Coté intérieurs d’église, nous ne sommes pas riches en clichés car très souvent, et notamment dans les plus belles églises, les photos sont interdites. En plus, les offices y sont fréquents, les péruviens sont très pratiquants : d’ailleurs, l’évangélisation a plutôt bien réussie sur ce continent puisque près d’un catholique sur deux (42%) est latino-américain.

 

La  photo de l’ostensoir (l’objet pour exposer l’hostie, le corps du Christ) me parait refléter toute l’ambiguïté de ce syncrétisme ; l’objet est en forme de soleil magnifiquement travaillé, la niche à hostie est placée au beau milieu et en plus il est… en or ! Comment veux-tu qu’un inca sain d’esprit n’adopte pas d’emblée Jésus avec des arguments aussi brillants… !

Foilà, foilà,

Et aujourd’hui, comme il pleut, tu as droit à un gros paquet de bisous (français, les bisous !)

PS : La croix en bois se trouve à l’extérieur de la cathédrale et elle est habillée du chasuble doré. Nous avons vu plusieurs fois des croix extérieures «habillées».

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