Les pré Incas, el dorado 5

Les pré Incas, el dorado 5

Bonjour,
Avant de poursuivre notre voyage, nous allons nous intéresser aujourd’hui à l’organisation des peuples andins qui habitaient la région avant l’apparition des Incas. Cet éclairage est important pour comprendre ensuite l’histoire des civilisations andines, et même l’histoire de l’humanité. Cette présentation est largement inspirée du Que sais-je «Les Incas» de Henri Favre). Mais nous verrons ensuite ce qu’en disait l’Inca Garcilaso de la Vegas dans son livre «Les commentaires royaux sur le Pérou des Incas», cet auteur étant un descendant de la lignée de roi Inca (métis, Inca par sa mère, espagnol par son père).

1) L’ORGANISATION SOCIALE CONNUE

(les citations sont du livre de Henri Favre)
L’organisation des peuples andins était de forme dite «primitive». Les personnes vivaient dans de petits villages, à de hautes altitudes (3600/3800m). Les vallées n’étaient pas habitées, elles servaient plutôt de frontière entre les groupes d’individus. Les villages étaient souvent construits sur des promontoires, les à-pics sur les bords servant de protection naturelle contre d’éventuels envahisseurs. «Chaque village était habité par un ensemble de familles unies par des liens de parenté ou d’alliance qui représentait un ayllu … la filiation se traçait en ligne masculine directe  pour les hommes et en ligne féminine directe pour les femmes de sorte que les hommes descendaient de leur père et les femmes de leur mère». C’était un système de filiation répandu dans les Andes.

«La famille réduite au ménage et à ses enfants célibataires représentait l’unité de production et de consommation».
Les femmes s’occupaient de l’intérieur tandis que les hommes effectuaient les tâches d’agriculture et d’artisanat. Ces familles désignaient un chef, le kuraka, «qui attribuait les terres, organisait les travaux collectifs et réglait les différents». Le groupe social possédait un territoire. Les pâturages étaient des terres communes à tous tandis que les terres de culture étaient attribuées par lots à chaque famille. L’élevage n’était pratiqué que dans les Andes et deux camélidés étaient domestiqués : l’alpaga pour sa laine, le lama comme bête de
charge. Mais on consommait aussi la viande séchée de ces animaux, leur peau servait pour confectionner des sandales, lanières et  sacs, leurs os étaient utilisés pour faire des outils et leurs excréments servaient de combustible (à cette altitude, il y a peu d’arbre donc peu de bois). Quant aux cultures, elles concernaient la pomme de terre, la quinoa, des haricots… et du maïs, ce dernier nécessitant des parcelles en terrasse avec un système d’irrigation. L’ayllu (village) était la base de la société.  Plusieurs villages étaient regroupés dans une chefferie avec un chef, le kuraka de chefferie.

Appartenir à une chefferie entrainait des obligations pour les paysans : ils devaient donner de leur temps de travail pour entretenir les biens communs (les routes) et ils devaient également cultiver à tour de rôle les terres du kuraka, garder ses troupeaux, filer sa laine. Le kuraka bénéficiait donc de prestations en main d’œuvre mais ne pouvait pas percevoir d’impôts en nature.
En contrepartie de ce travail, le kurala devait nourrir et loger les hommes correctement pendant leur service obligatoire, et il devait leur faire des dons. A la fin de cette corvée, les hommes repartaient dans leur village avec des denrées alimentaires de jour de fête tel que  la viande, le maïs, la coca, la bière), quelques bêtes ou pièces de tissu. Le kurala devait aussi assurer la sécurité des membres de sa chefferie. « Il pourvoyait aux besoins des pauvres, des orphelins, des veuves…En cas de mauvaise récolte, il subvenait aux nécessités des familles menacées de disette, que ses allocations de vivre plaçaient dans une sujétion plus étroite…. Ainsi, le kuraka redistribuait sous la forme de produits le travail qu’il avait reçu» . Mais il ne redistribuait pas tout et s’enrichissait donc. Les kurakas appartenaient à  l’élite sociale.

Les chefferies pouvaient aussi se regrouper à plusieurs, élisaient alors un grand chef qui avait les mêmes prérogatives et obligations que les petits chefs. Le système de redistribution et de corvées se dupliquait à chaque niveau de la société. En fait, contre quelques mois de travail par an pour les hommes des villages, les familles bénéficiaient d’une sorte d’assurance maladie, d’assurance veuvage et d’assurance contre les aléas climatiques.
Ce système social fonctionnait bien et, même si les chefferies se battaient entre elles de temps en temps, on était dans une société qui ne connaissait pas le chômage, ni la délinquance (chacun avait un rôle bien établi dans le groupe) ni la famine.

Et c’est donc sur cette structure sociale que vont apparaître les incas dans la région andine de Cuzco. Mais pourquoi sont-ils apparus et pour faire quoi ?

2) LE POINT DE VUE DE L’INCA SUR CES PEUPLADES PRIMITIVES

Pour le savoir, il est intéressant d’écouter ce que nous dit Inca Garcilaso de la Vega sur ces populations primitives. Il parle de façon générale sur les pays d’Amérique latine et centrale. Les citations qui suivent sont extraites des commentaires royaux.

Ces peuples, selon lui, sont  des êtres «un peu meilleurs que des bêtes apprivoisées et d’autres qui étaient pires que les animaux les plus sauvages.»

* Sur leurs dieux :
Selon Garcilaso, leurs dieux correspondent à «leur naïveté et à leur vie grossière».
«Chaque province, chaque nation, chaque ville… chaque famille et chaque maison avaient des dieux différents… ils n’élevèrent point leurs pensées à des choses invisibles (espérance, victoire, paix) ils adoraient celles qu’ils voyaient… sans considérer si elles en étaient dignes ». Ils adoraient «des herbes, des plantes, des arbres… des grottes profondes, de grands rochers… l’émeraude». « Ils adoraient divers animaux… comme le jaguar, le puma et l’ours… le chien à cause de sa loyauté… d’autres animaux en raison de leur ruse comme le renard et les guenons… le cuntur (condor) en raison de sa grandeur… les faucons à cause de leur rapidité… le hibou en raison de la beauté de ses yeux et de sa tête, et la chauve-souris à cause de l’acuité de sa vue… les grands serpents… les lézards et les crapauds.»
«Ils étaient extrêmement naïfs en toutes choses, telles des brebis sans pasteur.»
D’autres adoraient des choses qui avaient une utilité dans leur vie comme «la terre et l’appelaient leur mère parce qu’elle leur donnait ses produits». D’autres adoraient l’air (pour respirer), le feu (pour se chauffer), le lama, la cordillère (pour l’eau de ses rivières), le maïs (pour le pain), les légumes…
Sur le littoral, ils adoraient la mer (pour le poisson), la baleine (pour sa grandeur), la sardine, la dorade, l’écrevisse.
Certains peuples comme les Chirihuanas n’avaient pas de dieux : «Ils vivaient alors et vivent encore comme des bêtes et même pire, car la doctrine et l’enseignement des rois Incas ne sont point parvenus jusqu’à eux».

* des sacrifices qu’ils faisaient
«la cruauté et l’inhumanité des sacrifices que faisaient ces anciens idolâtres étaient conformes à l’ignominie et à la bassesse de leurs dieux».
Dans certaines nations, on sacrifiait les prisonniers de guerre, on sacrifiait ses propres enfants.
On mangeait les victimes sauf leur cœur et leurs poumons. «Ils faisaient de leurs estomacs un tombeau pour leurs morts». Et, citant le Père Blas Valera «cette engeance d’hommes terribles et cruels est sortie du Mexique…»
Dans d’autres nations, il y avait des sacrifices d’animaux mais on offrait aussi de « l’herbe si fort estimée parmi eux appelée coca », du maïs, du bois odorant…

* de leurs vêtements,
Garcilaso dit : «la mode en était si ridicule et si honteuse dans la plupart de ces provinces qu’elle faisait rire».
Il note que certains vivaient nus ou avec une simple ficelle. Les vêtements dans les régions froides étaient grossièrement tissés en laine et en chanvre sauvage.

* de leur nourriture
«Ils ne semaient rien… ils mangeaient ce que la terre donne naturellement. Ils se contentent de peu…Ils tiraient parti de la chasse et de la pêche avec le même peu d’adresse qu’ils mettaient dans les autres choses». On observait le cannibalisme dans les pays chauds et un peu d’agriculture dans les régions froides.

* De leur manière de vivre
«Ces anciens gentils n’étaient pas moins barbares dans la façon de se loger et de construire leurs villes… sans place publique ni arrangement de rues et de maison : on eut dit plutôt des parcs à resserrer les bêtes».
Ils n’étaient pas organisés «car n’ayant jamais été instruits, ils ne sont pas raisonnables».
«Certains gouvernaient avec beaucoup de cruauté, d’autres traitaient bien leurs sujets, d’autres encore n’avaient aucune organisation sociale».

Vu comme cela, cela paraît évident qu’il fallait «civiliser» tous ces bougres de «sauvages», non ?

Foilà, foilà,
Besitos,

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