ALLY, SÉQUENCE NOSTALGIE
6 juin
Cette page est grandement parcourue de souvenirs. Tu peux passer si tu veux, les évocations ne parleront sans doute qu’à ma famille. Encore que, une explication intéressante à propos des vaches…
Le Cantal était le lieu de nos vacances familiales, du vivant de mon père. Nous allions plusieurs semaines chaque été à Ally, dans une maison paroissiale appelée l’Oustalou et où nous rejoignait notre famille du nord. Les tablées étaient immenses, famille nombreuse et regroupement familial obligeaient.

Je suis partie ce matin en ignorant où je dormirai ce soir. Je n’ai pas eu envie de réserver à l’avance, sans voir, et surtout sans tenter de trouver un hébergement proche d’Ally. Arrêt à l’office de tourisme de Mauriac pour avoir leur brochure logements. Et direction Ally. La route Mauriac Ally a beaucoup changé. La montagne a été coupée à coup de serpe pour diminuer sensiblement le nombre et l’angle des virages. À de nombreux endroits, le tracé de l’ancienne route reste bien visible. En bas il y a le pont de l’Auze où nous allions nous baigner en nous tordant les pieds sur les cailloux. Sur les chemins, il y avait des grosses limaces oranges. En remontant après la rivière, les murets entrecoupés de barre de fer ont disparu avec le remaniement de la route. Le bruit de la voiture se répercutait sur les murets et cet écho faisait à intervalles réguliers chui chui chui. J’ai fait un essai à Bord-les-Orgues, la voiture de mon père, une traction dans laquelle était mis un banc, derrière les sièges avant, histoire d’y loger plus d’enfants devait rouler à 40 km/h environ (plus vite, on ne distingue plus trop le chui chui chui).
Souvenirs… de la fanfare d’Ally. J’adorais, tout le monde sortait dans la rue pour les voir passer. Souvenir de la haie de buis, odeur du buis chaud que j’aime toujours autant. Ma sœur aînée n’aimait pas, elle trouvait que cela sentait le pipi de chat. Souvenir des petits caramels carrés à un centime de chez Mme Pantène que les aînés cachaient pour nous, les plus jeunes, dans les joints creux des pierres de la façade de l’Oustalou.
Souvenirs : les vieux pneus suspendus à des chaînes pour faire des balançoires, cela faisait un peu mal aux fesses, et après la pluie il fallait les secouer pour enlever l’eau. Le grand sapin. Les messes en plein air devant l’Oustalou les dimanches de beau temps. La tourte de pain que mon père coupait avec un grand couteau. Ce pain au levain rond et plat d’un diamètre de 50cm à l’odeur si particulière et les croquants de Mme Terrail. Le fromage ‘cantal ‘ si bon lorsqu’il est à point, et qu’il se détache en grains. Les odeurs de sous-bois. La vue et l’odeur des murets de pierres sèches recouverts de mousse. L’odeur des orties chauffées au soleil. Les bancs coffre pour mettre le bois de chauffage de chaque côté de l’immense cheminée, le cantou. Et le ciel que l’on voyait en haut du conduit de la cheminée. Charlie et son ‘Tante Jeanne, il m’embête’ dit avec l’accent. Les toilettes dehors avec la planche percée. Vidait-on ces toilettes ? Je ne m’en souviens pas. Les grands baquets dans lesquels ma mère nous lavait à tour de rôle. La fenêtre du premier étage d’où mon frère était tombé en voulant attraper un oiseau. Les capes de pluie caoutchoutées avec leur capuche et juste deux fentes pour passer les mains.
La charcuterie auvergnate qui donnait de l’urticaire les premiers jours car nous n’en mangions pas le reste de l’année. Les interrupteurs fabriqués avec des pinces à linge. L’odeur âcre du feu éteint dans l’âtre. La sciure qu’on répandait sur le sol et mouillait ensuite d’eau pour balayer les planchers de bois brut afin que la poussière ne vole pas, odeur particulière de poussière et de bois mouillé. Les champignons que Dédé le jeune du pays savait débusquer : rosés des près, girolles… Le puy Soutro, le puy Dondon lieux de promenades proches, et plus loin le puy Mary, le puy de Sancy (le plus haut du massif central à 1886m), le pas de Peyrol, la Maronne et la Dordogne où les grandes personnes disaient que l’orage ne passait pas car il tournait en rond au dessus.
Et les vaches ! Les Salers, à Salers et dans la montagne avec leurs cloches, belles avec une robe marron, bouclées, et de superbes grandes cornes en forme de lyre s’élevant vers le ciel, des vaches robustes au pied montagnard, des vaches altières et fières, ne se laissant traire qu’en présence de leur veau, refusant avec une sorte de dédain l’industrialisation de leurs pis. Et les autres vaches dans les villages, qui ne savent pas serrer les fesses lorsqu’elles traversent ou longent un chemin de terre ou une nationale, de l’odeur des vaches, largement marquée justement par leurs bouses, car elles ne s’essuient pas non plus le derrière, un vague coup de queue pour avoir bonne conscience mais cela ne faisait qu’étaler la chose, aggravant la situation. Mal élevées mais tellement humaines, proches de nous, du lait qu’elles nous donnent, des fromages.
Drignac, Chaussenac, Brageac, Drugeac, Barriac, Loupiac, Mauriac et les exceptions, Ally, Saint-Christophe-les-Gorges, le barrage d’Enchanet…
Les bâtons de marche que les plus grands se fabriquaient, enlevant l’écorce et les sculptant avec leur canif. Et nous les petits, contents de trouver un malheureux morceau de bois mort qui ne faisait pas long feu mais qui nous servait pour chasser les vipères, faire du bruit, taper des pieds pour les faire fuir. Personne, à ma connaissance, n’a jamais été mordu pour ce reptile effrayant.
Ado, j’étais retournée à Ally un été avec mon jeune frère, sous la surveillance de Tante Jeanne. Je me souviens d’être remontés du pont de l’Auze. J’avais pris un raccourci en prenant à droite de la chaussée alors qu’il aurait fallu prendre sur le côté gauche en suivant la ligne électrique. Finalement, nous sommes revenus sur la chaussée en remontant péniblement par une décharge. Pour me faire pardonner, j’ai offert une limonade chez Mme Pantène à mon frère. Et sous la tente, au fond du jardin histoire de jouer les indépendants, la frousse énorme d’entendre du bruit près de la toile de tente… des vaches qui broutaient en pleine nuit !!! Les premières briques de lait longue conservation, dans une brique sur deux le lait tournait.
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