Artisanats et industries
Nous avons vu que l’artisanat est toujours présent sur le plan économique, même si, pour certains produits, les débouchés sont plus orientés tourisme que vie locale actuellement.
Dans les campagnes, les femmes tissent toujours selon des méthodes antiques, le métier à tisser étant attaché d’un côté à un poteau et de l’autre passant autour de la taille de la tisseuse.


Dans le même registre, les hamacs qui servent de lit dans de nombreuses maisons pauvres sont réalisés à la maison, sur un portant en bois (il faut prendre trois brins en dessous et un brin nouveau à chaque passage du fil, cela demande de l’attention et de la patience, l’homme et la femme se relaient indifféremment à l’ouvrage).
Nous avons également visité un atelier de sculpture sur bois. Les hommes travaillent avec de petits couteaux de cuisine très affutés, ils ne possèdent quasiment aucune gouge comme nous en utilisons en France. Aussi, vu la simplicité de leur outillage, ils ont la particularité de travailler que du bois vert, beaucoup plus tendre, quitte à reboucher les trous et fissures après le séchage. Nos sculpteurs européens travaillent exclusivement du bois sec, à part quelques tourneurs sur bois. Des approches bien différentes donc.



Chaque ouvrier, sauf commande spéciale, crée ses modèles selon la forme de son bois et selon sa propre inspiration, en toute liberté. Ils réalisent beaucoup d’animaux fantastiques au travers desquels on se rend compte que les mythologies anciennes mexicaines sont très présentes dans l’imaginaire collectif.
Les objets ainsi sculptés sont ensuite peints à la main, avec une grande précision.



Autre mode de production, semi-industrielle pour l’époque, la fabrication de sisal.
Il s’agit d’une fibre extraite d’un agave (ces plantes grasses aux feuilles pointues et piquantes) que l’on appelle henequén. Le Yucatán a produit, jusqu’au milieu du 20e siècle, 90 % du marché du cordage au plan mondial et cette fibre était considérée comme « l’or vert » du Mexique. Le mot sisal que nous utilisons n’est pas le nom d’origine de la fibre. Mais les expéditions des cordages se faisaient à partir d’un petit port situe au nord-ouest de Merida qui s’appelle Sisal. Et lorsque l’on questionnait : c’est quoi cette matière, on répondait invariablement « cela vient de Sisal » et c’est ainsi qu’a été baptisée la fibre. Depuis, d’autres pays ont cultivé cette plante et surtout, les fibres en matière synthétique ont entraîné le déclin de cette activité mexicaine.


Le sisal était produit dans les haciendas. Nous avons visité l’hacienda Ochil (entre Merida et Uxmal), ancien centre de production de sisal. Le petit chemin de fer qui servait à transporter les ballots de fibre véhicule désormais les touristes et l’hacienda est maintenant une auberge dans laquelle nous avons déjeuné.


Vu la beauté de l’endroit, il est parfois difficile d’imaginer les douleurs des campesinos qui ont vécu ici.
Rappel, dans les iles Caraïbes, le système économique était la plantation. Pour mémoire, les indigènes étaient presque tous morts de maladies européennes importées par hasard et la main d’œuvre a été « recrutée » en Afrique. Les travailleurs étaient donc des esclaves noirs achetés par les Blancs. Ils n’avaient pas de réalité juridique et étaient considérés comme des choses.
Sur le continent, c’est différent : les indigènes, étant plus résistants, ont survécu. Et on se souvient que le Roi d’Espagne avait décrété que toute personne se trouvant sur les territoires découverts par Christophe Colomb et autre Cortès était sujet de la couronne d’Espagne. Ce qui veut dire un citoyen à part entière qu’il était impossible de réduire en esclavage. L’organisation économique tournait autour de la notion d’hacienda, une grande propriété qui emploie une multitude de personnes pauvres, indigènes et illettrés. Oui mais (tu remarqueras que ce « mais » est omniprésent dans l’Histoire, et il a le don de tout chambouler à chaque fois). Donc, oui mais, les propriétaires terriens se sont arrangés pour asservir dans les faits ces personnes libres et citoyennes. Les ouvriers agricoles dont les peones, les plus pauvres de tous, n’étaient payés que s’ils travaillaient. Le nombre d’heures de travail dépendait des tâches à accomplir (très lourdes semaines lors des récoltes et parfois plusieurs semaines sans revenu en période creuse). Ces gens étaient payés dans une monnaie qui n’avait cours que dans l’hacienda où ils travaillaient et la seule possibilité de se fournir des choses nécessaires au quotidien était le magasin de l’hacienda « tienda de raya » dans laquelle les prix, librement fixés par le patron, étaient bien trop élevés par rapport aux salaires versés. Ainsi, pour survivre, les paysans devaient s’endetter auprès de leur patron qui ainsi les maintenait sous sa dépendance. Aucun moyen de changer d’hacienda, de tenter sa chance ailleurs. Alberto notre guide nous a indiqué que les ouvriers, dans certaines haciendas, étaient marqués au fer rouge sur le front de façon à ce qu’il ne puisse pas s’échapper du domaine.



Peut-être que les planteurs qui avaient payé pour acheter leurs esclaves étaient-ils plus enclins à prendre soin de leur main d’œuvre alors que dans les haciendas, les patrons n’avaient rien à débourser pour avoir des travailleurs. Et compte tenu du chômage, quelle importance que certains (ou beaucoup) meurent à la tâche puisque derrière des centaines de personnes attendaient pour travailler.
À quel point ces colons espagnols étaient-ils conscients de leur cruauté ? Malgré des interventions de Bartolome de las Casas. Mais l’humanisme, cette théorie qui place l’être humain au-dessus des autres valeurs ne s’est développée que sous la Renaissance et la Déclaration universelle des Droits de l’Homme est récente dans l’Histoire (1789). Et ensuite, il aura fallu du temps et des guerres pour abolir l’esclavage…
P.S. : dans les industries actuelles, la fabrication de voitures est en bonne place. Mais aucune voiture n’est conçue au Mexique, pas de marque mexicaine de voiture. Cette industrie a des usines de montage des différentes marques européennes et japonaises.
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